kennyS incertain de son avenir sur CS, le français se confie
G2 EsportsAu cours d’une interview pour Dexerto, Kenny ‘kennyS’ Schrub, l’un des plus grands joueurs de Counter-Strike, s’est ouvert sur ses problèmes de santé mentale et ses difficultés sur le jeu au cours des dernières années. Cependant, après une période de pause dans laquelle le génie français s’est retrouvé, il souhaite maintenant revenir dans la compétition et n’exclut pas de passer sur Valorant si les portes de CS:GO se referment complètement sur lui.
kennyS se rappelle exactement du moment où sa carrière a commencé à dérailler. C’était en septembre 2017, lorsque son équipe G2 Esports venait de soulever le trophée de la DreamHack Masters Malmö après avoir battu North en finale sur le score de 2-0.
À l’issue de cette compétition, kennyS qui avait été tout simplement monstrueux lors de chaque partie a été nommé MVP du tournoi. Cependant, le joueur français n’a pas pu célébrer cette récompense de la meilleure des façons puisqu’il ne se sentait pas bien mentalement.
“Avant l’événement, j’ai réuni mon équipe et je leur ai dit que je ne voulais plus jouer à ce jeu.” raconte kennyS à Dexerto.
“Je leur ai dit que j’allais prendre une décision pendant le tournoi. Je voulais prendre ma retraite à ce moment-là.”
“Je ne me suis pas amusé à gagner le tournoi ni même le titre de MVP. J’avais un état d’esprit vraiment bizarre à ce moment-là. J’ai gagné le tournoi, j’étais le MVP, et pourtant, je n’étais pas heureux.
“Maintenant que je regarde en arrière, j’aurais dû ouvrir deux bouteilles de champagne et en verser partout sur moi, mais à ce moment-là, ce n’était pas du tout le cas.”
Cette compétition sera la dernière durant laquelle kennyS va remporter à la fois une médaille de MVP ainsi qu’un tournoi majeur sur CS:GO.
Et même si à la suite de cette compétition, kennyS a continué de jouer à CS, ce n’est pas parce qu’il avait changé d’avis, mais c’est parce qu’il ne savait pas quoi faire d’autre. Il ne voulait pas non plus que sa carrière s’achève sur une note aussi aigre, craignant de regretter ce qui aurait été “une décision émotionnelle.”
Cependant, les problèmes n’ont pas disparu pour autant, et son niveau a commencé à en patir alors qu’il “tombait en dépression”. “J’ai eu de bons tournois, de mauvais tournois, de très bons mois et de mauvais mois.” a-t-il admis. “Je suis devenu très irrégulier.”
Lui qui était autrefois considéré comme le meilleur joueur d’AWP du jeu a donc commencé à s’effacer discrètement sur la scène compétitive.
L’ascension et la chute
KennyS a fait irruption sur la scène Counter-Strike à la fin de Source, passant sur CS:GO à l’été 2012 au sein de l’équipe VeryGames. Entre 2013 et 2017, il est apparu dans tous les classements des 20 meilleurs joueurs de HLTV (trois fois dans le top 10) et a accumulé dix médailles MVP, dont une lors du Major DreamHack Open Cluj-Napoca de 2015 qu’il a remporté avec Envy.
Fin 2017, kennyS a égalé le nombre de titres MVP de Christopher ‘GeT_RiGhT’ Alesund qui avait remporté dix médailles entre 2012 et 2014, dont neuf pendant la domination de NIP, lorsque la scène était encore en train de trouver ses marques.
Selon presque tous les critères de la compétition sur CS, KennyS était à ce moment l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du jeu. Mais malheureusement, le français est entré dans une période sombre de sa vie durant laquelle des années de mauvaises habitudes l’ont finalement rattrapé.
“J’ai toujours su que j’avais un talent spécial, et j’ai toujours pensé que cela suffirait.”
“Mais à un moment donné, ce n’était plus suffisant, car il y avait d’autres joueurs qui avaient autant de talent que moi, mais qui travaillaient aussi très dur. Et comme on dit, le talent n’est rien sans le travail.”
En septembre 2020, après des années de pics et de creux, kennyS a décidé de se concentrer à nouveau au maximum sur le jeu suite à la signature de Nikola ‘NiKo’ Kovač chez G2 en provenance de FaZe à la suite d’un énorme deal.
L’arrivée de la superstar bosniaque a redonné à KennyS un élan de motivation, mais aussi un soudain sentiment d’insécurité.
“J’ai commencé à travailler très dur, ce que je n’avais pas fait de toute ma carrière.” révèle kennyS. “J’ai alors pensé : Je ne suis plus le visage de G2 CS:GO. Je joue avec NiKo, un joueur vraiment génial et travailleur. Je dois passer à la vitesse supérieure.”
Alors que la perspective de voir NiKo libéré de son rôle de leadership ainsi que le fait de le voir jouer aux côtés de son cousin, Nemanja ‘huNter-‘ Kovač, et de kennyS a suscité l’excitation et l’ambition des nombreux fans de G2, l’équipe a finalement réalisé un flop monumental.
Une demi-finale à l’IEM Beijing-Haidian qui est un tournoi mineur a été le meilleur résultat de G2 dans les mois qui ont suivi, alors que l’équipe a subi des éliminations prématurées lors d’une série de grands événements.
Et durant cette période, kennyS a commencé à afficher certaines des pires performances de sa carrière, et son influence in-game semblait s’amenuiser de plus en plus.
En mars 2021, quelques jours après l’élimination de l’équipe à l’IEM Katowice, G2 a annoncé que kennyS avait été placé sur le banc tout en annonçant le retour du joueur soutien Audric ‘JaCkz’ Jug dans l’espoir de fonder une unité plus stable et plus complète. C’est alors la première fois dans l’histoire de sa carrière qu’il est mis de côté au sein d’une équipe sur CS.
Alors que n’importe quel joueur dans cette situation aurait été dévasté, Kenny était quant à lui soulagé. “Je pense qu’à un moment donné, ce n’était pas la bonne équipe pour moi.” explique-t-il.
“C’était vraiment difficile d’avoir trois joueurs vedettes ensemble et de les rendre tous heureux. Quand vous savez que NiKo arrive pour une grosse somme d’argent, eh bien, il faut le mettre dans les meilleures dispositions possible. J’ai donc perdu de l’espace, et huNter aussi.
“Malgré le fait que je travaillais beaucoup, ils ont décidé de me mettre sur le banc, et je ne peux pas leur en vouloir.”
“Honnêtement, j’ai été triste pendant une soirée, mais après coup, j’étais tellement soulagé. C’était une situation compliquée pour moi.“
Même si cet événement a surpris de nombreux fans de l’équipe, le prodige français révèle quant à lui qu’il a rapidement senti le vent tourner.
“On le voit toujours venir. J’étais à un bootcamp avec eux juste avant que je sois mis sur le banc, et je peux vous dire que je l’ai senti. Je n’étais pas du tout confiant non plus. J’ai eu de mauvaises performances. C’est un fait. Ça devenait super dur pour moi.”
Selon kennyS, la pression, tant externe qu’interne, était devenue trop forte pour être supportée. Après dix ans au plus haut niveau, le français n’a soudainement plus trouvé de joie dans le jeu, et la compétition était devenue pour lui “un cauchemar“.
“À un moment donné, ça m’a tout simplement changé. Ma petite amie m’a vu un jour, je me suis mis à pleurer parce que pendant six mois, j’avais dû faire face à beaucoup de merdes qui m’avaient été jetées à la figure.
“Et puis après, vous faites un mauvais match, deux mauvais matchs tout en ayant un problème dans votre vie et vous relâchez toute la pression. Et la façon dont je le fais, c’est en pleurant.
“C’est arrivé souvent l’année dernière. J’ai pris les coups et à un moment donné, j’ai tout relâché en même temps. C’est surtout pour cela que je me suis senti soulagé.”
La vie sur le banc
Même si kennyS a été soulagé de cette pause, cela ne veut pas dire pour autant qu’il a abandonné. Espérant que le téléphone sonne à nouveau, il continue de travailler pour rester en forme, et a déclaré publiquement son intention de continuer à “grind CS” malgré l’appel tentant de Valorant.
Mais au fil des semaines et des mois, il s’est rendu compte que ses services n’étaient plus très demandés.
Avec la montée en puissance de Valorant et l’impact économique de la crise sanitaire mondiale, de plus en plus d’organisations se sont détournées de Counter-Strike. Et pour la plupart des équipes qui y sont encore, renforcer leurs effectifs signifie souvent attendre que les contrats expirent ou simplement choisir des options moins connues et moins chères.
“Le COVID n’a pas été très bon pour le jeu, et le fait que nous perdions des joueurs rend également très difficile pour les organisations d’investir, en particulier dans un joueur de 26 ans qui est connu pour avoir un état d’esprit paresseux.” explique kennyS.
“C’est la vérité, j’ai été paresseux pendant toute ma carrière. Évidemment, maintenant que je suis là où je suis, je peux dire que j’aurais fait les choses différemment. Mais c’est comme ça. Tout le monde fait des erreurs. La situation dans laquelle je me trouve en ce moment est aussi due à mes erreurs.”
“Je n’ai pas eu d’offres intéressantes sur CS. J’ai été mis sur le banc au mauvais moment, je suppose.”
“Mon rachat est probablement assez cher, même si je perds de la valeur avec le temps.
“Je représente un gros investissement et je suis un joueur de 26 ans avec une carrière de dix ans. Les gens peuvent donc penser que je ne suis pas le meilleur investissement, et je peux le comprendre.”
Même si sa situation sur CS est extrêmement délicate, kennyS ne renie cependant pas l’amour qu’il porte pour ce jeu, même s’il estime que ce dernier stagne de plus en plus.
“Je suis un peu déçu parce que je ne veux pas que CS meure, même si je n’en fais plus partie. Mais je ne pense pas que le jeu va mourir, même s’il n’est certainement pas dans sa meilleure forme actuellement.”
Ayant mis ses aspirations e-sport en veilleuse, kennyS a trouvé de nouvelles façons de s’occuper l’esprit. Il diffuse régulièrement ses parties de CS et de Valorant en live et produit également de nouvelles vidéos sur sa chaîne YouTube qui compte plus de 100 000 abonnés.
Être un créateur de contenu, aussi rafraîchissant soit-il, présente une tout autre série de défis. “Je pensais que j’aurais plus de temps libre, mais ce n’est pas le cas.” a-t-il déclaré. “Je n’ai pas eu de vacances et je dirais même que je travaille encore plus dur que lorsque je jouais. Mais c’est plutôt amusant. Je travaille avec les gens avec qui je veux travailler.”
En septembre dernier, kennyS a assisté à l’événement Valorant VCT Stage 3 Masters à Berlin avec sa petite amie, capturant des images des coulisses pour les diffuser sur YouTube. Selon lui, ce fut une expérience précieuse et pleine d’humilité qui n’a fait que renforcer son désir de reprendre la compétition.
Cette toute nouvelle aventure a également remis en question certaines idées préconçues qu’il avait sur Valorant et sa scène compétitive.
“J’étais un peu frustré de voir la scène, de voir les gens crier lorsqu’ils gagnaient une partie difficile. Mais la compétition me manque, c’est sûr.
“J’apprécie vraiment Valorant. Le jeu est bon. Je suis un amoureux de CS, mais je ne suis pas du genre à dire ‘J’aime CS et je déteste Valorant’. Non, c’est stupide. Ça ne marche pas comme ça, il faut être objectif, il faut jouer au jeu et le comprendre.
“Le fait d’aller au VCT m’a également permis d’avoir une approche différente du jeu. Quand on vient de CS, on peut penser que Valorant est facile, mais ce n’est pas le cas. Ce n’est pas parce que vous êtes un super bon joueur sur CS que vous allez tout gagner et que vous allez être le meilleur. Ce n’est pas comme ça que ça marche. Ce n’est pas vrai. Si vous pensez ça, vous allez échouer.
“En tant que joueur de CS, je devrais respecter les joueurs qui sont performants sur ce jeu. La plupart des joueurs viennent de CS, mais par exemple, j’ai beaucoup joué avec nAts, qui est à mon avis le meilleur joueur de Valorant et qui vient de CS. Même si ce n’était pas un joueur pro sur ce jeu, ce qui fait la différence, c’est qu’il travaille dur pour être bon.”
Depuis sa mise sur le banc au sein de G2, Valorant a été suggéré comme une option de carrière potentielle pour kennyS, et son nom a été à un moment donné lié à l’équipe Alliance.
Interrogé sur ces rumeurs, kennyS a nié avoir effectué un essai avec cette équipe, bien qu’il révèle avoir reçu “beaucoup d’offres” sur Valorant, ce qui n’est pas surprenant compte tenu de son impressionnant CV sur Counter-Strike et du niveau de succès que les anciens joueurs CS:GO de tier 1 ont connu depuis leur passage sur le FPS de Riot Games.
Objectifs futurs
Bien que kennyS apprécie son temps en tant que créateur de contenu, son désir le plus fort reste de revenir en compétition. La question reste maintenant de savoir s’il le fera sur CS:GO, le jeu dont il est tombé amoureux il y a bien longtemps, mais qui ne semble plus l’aimer en retour, ou bien sur Valorant.
Pour le moment, sa décision reste en attente jusqu’à la fin du PGL Major de Stockholm, qui va être le deuxième Major qu’il manquera. C’est à ce moment-là qu’il pourra évaluer s’il y a encore de la place pour lui sur la scène, car les meilleures équipes de CS:GO commenceront à modifier leurs effectifs pour la nouvelle saison.
“Honnêtement, je ne sais même pas si mon avenir est encore sur CS:GO. J’aime ce jeu et j’aurais aimé que les choses soient différentes. J’aimerais pouvoir changer ça, mais je ne sais pas si j’en aurais l’opportunité.”
Si ces mots vous semblent familiers, c’est parce qu’ils font écho aux sentiments d’Adil ‘ScreaM’ Benrlitom, qui a déclaré en 2020 qu’il aurait souhaité que “les choses soient différentes” lorsqu’il a effectué la transition de CS:GO à Valorant.
“Ce qu’a dit ScreaM me parle littéralement.” dit-il en riant.
En réfléchissant à sa carrière, KennyS se dit “fier de ce qu’il a accompli, individuellement et en termes de trophées.”
Devenu l’un des plus grands noms de Counter-Strike, il a admis que cela lui ferait mal de quitter le jeu par la petite porte.
“Je ne veux pas me retirer de CS comme ça. Peut-être que je devrai le faire, mais ce n’est pas vraiment une chose agréable, de se retirer de cette façon.
“Je veux montrer que ma situation est la conséquence de mes erreurs et je veux me prouver à moi-même et à tout le monde que je peux apprendre de toutes ces erreurs tout en restant le joueur que les gens veulent que je sois et que je veux être aussi.”
“Gagner un dernier événement tier 1 sur CS serait vraiment, vraiment génial.”
Mais tout comme ScreaM, qui a relancé sa carrière sur Valorant, kennyS ne va pas rester assis à bouder et à attendre que le téléphone sonne. Après avoir pris le temps de faire le point sur ses erreurs passées et de récupérer mentalement, il est maintenant prêt à montrer qu’il a encore énormément à offrir au plus haut niveau.
Le 4 octobre, il a été annoncé comme l’un des joueurs de l’équipe de France pour l’événement caritatif BLAST Spike Nations de Valorant, et a reçu un soutien inconditionnel de nombreux fans sur les réseaux sociaux.
FINALLY, Welcome TEAM FRANCE 🇫🇷#SpikeFRA@G2kennyS @Sliicyy_@KaffWorld @NBK @Ninouu97
Group 3 #SpikeNations pic.twitter.com/v2gDiBfYXn
— BLAST VALORANT (@BLASTVALORANT) October 4, 2021
Et c’est peut-être ce genre de vague de soutien qui lui manquait sur CS:GO qui pourrait bien le pousser à effectuer la transition sur Valorant.
“Je deviens maintenant presque un peu salé, j’ai vu des gens qui voulaient que je sois mis sur le banc, et quand j’ai été mis sur le banc, ils voulaient que je revienne. Je me disais : J’étais là, et pourtant vous ne vouliez pas de moi !
“À la fin, j’avais un meilleur état d’esprit, je faisais les choses bien, mais ça n’a pas marché pour de nombreuses raisons. Je serais triste de quitter CS parce que je sais que j’ai ce qu’il faut pour être un très bon joueur, mais s’il n’y a pas de place pour moi, alors je la trouverais ailleurs.”
“Pour moi, perdre CS est une chose difficile, et je pense que me perdre n’est pas non plus très bénéfique pour le jeu. “
“Mais c’est comme ça. Si les gens ne veulent pas me donner une chance, alors c’est comme ça, mais si d’autres personnes souhaitent me donner une dernière chance, alors je la saisirais.
“Ma santé mentale était vraiment mauvaise ces dernières années et maintenant, elle est vraiment bonne. Cela fait une grande différence. Au bout du compte, ce que je veux, c’est jouer en compétition. À l’époque, je ne pensais pas trop à moi, je vivais simplement au jour le jour. Maintenant, j’ai des projets. Le plus important, c’est d’avoir des projets. Tant que j’ai des objectifs à atteindre, tout va bien.“