Eric : critique d’une mini-série aux ambitions monstrueuses sur Netflix
Netflix nous présente une histoire d’enfant disparu sur fond de New York gangrénée par la corruption et dans laquelle naviguent tout type de monstres. La série Eric avec Benedict Cumberbatch vaut-elle le coup d’œil ?
L’annonce était un peu passée inaperçue en 2023 : la série Eric a jusque-là très peu fait parler d’elle malgré la présence de Benedict Cumberbatch en tête d’affiche, pourtant elle mérite clairement l’attention des spectateurs. Création d’Abi Morgan, on y retrouve de nombreuses thématiques des précédentes productions de la scénariste et showrunner. La figure paternelle impactante de The Split, les enquêtes à l’instinct de River ou encore l’envers du décor des émissions télévisées de The Hour seront tous des sujets qui marqueront également l’intrigue d’Eric.
Mais de quoi parle Eric, au juste ? Dans les faits, l’histoire se préoccupe d’abord de Vincent, père de famille et co-créateur d’une émission de marionnettes destinée aux enfants, qui doit soudain faire face à la disparition de son fils Edgar, âgé de neuf ans. Perturbé, un peu paumé, le papa refuse de joindre ses efforts à ceux de la police ou de sa compagne Cassie pour préférer des méthodes de recherche sortant des sentiers battus : il fabriquera la marionnette imaginée par son fils, et qu’il avait appelée Eric, pour tenter d’attirer l’attention du fiston.
Le pilote brille clairement pour sa réalisation, profitant du point de vue du petit Edgar pour jouer sur l’isolement des personnages de la série tout en nous présentant son contexte délétère. Les plans rapprochés et les focales plus courtes, couplés à un travail soigné sur le son nous confrontent à une masse d’informations qui rendent l’environnement étouffant, anxiogène. Et si la suite retrouve une construction un peu plus classique, elle n’en reste pas moins bien pensée : la caméra à l’épaule nous entraîne dans les errances de Vincent, qui se perd autant dans une ville corrompue que dans sa propre psyché bancale.
C’est dans le scénario et ses thématiques qu’on trouvera peut-être un défaut à Eric : la série se distingue entre deux grands axes censés dialoguer, mais qui semblent malheureusement un peu trop éloignés et donnent l’impression de suivre deux histoires au lieu d’une. D’un côté, on assiste à l’enquête de Ledroit sur le jeune Marlon Rochelle, qui cristallise tous les problèmes sociaux d’une ville de New York intolérante envers ses minorités et gangrénée par la corruption des différentes sphères du pouvoir. De l’autre, il y a Vincent, qui sombre toujours plus profondément dans la folie tout en cherchant des indices sur Edgar.
Si l’effet miroir qui semble ici recherché ne marche pas toujours, il est largement compensé par la performance des acteurs. Surtout du côté de Benedict Cumberbatch, aussi talentueux à l’image que dans son travail vocal exceptionnel. À croire que prêter sa voix à des monstres, qu’ils aient de la fourrure ou des écailles, soit devenu sa spécialité.
Eric mérite clairement le détour, tant pour sa réalisation que ses acteurs. Si la mini-série se veut peut-être un peu trop gourmande pour son bien en proposant de nombreux sujets importants, elle n’en reste pas moins entraînante et saura vous retenir tout au long de ses six épisodes. Et elle pourrait même vous arracher quelques larmes…
Eric sera disponible sur Netflix dès le 30 mai 2024.