Sources: L’arrêt du partenariat avec NEOM n’a rien changé à Riot Games
Riot GamesLe 29 juillet dernier, Riot Games dévoilait son sponsor principal pour la Ligue Européenne (LEC), NEOM un projet controversé soutenu par l’Arabie saoudite. Le projet est de développer une “mega-ville” futuriste afin d’attirer de riches touristes occidentaux dans la région et soutenue personnellement par la monarchie d’Arabie saoudite.
Actuellement, NEOM a été critiqué par des militants des droits de l’Homme en raison du processus d’acquisition des terres pour son développement. La tribu indigène Howeitat a ainsi dû céder ces terres aux Saoudiens sans explication claire de la manière dont elle serait indemnisée.
Le consensus général est d’accord sur le fait que la tribu ne souhaitait pas partir. Un ancien de la tribu menant un mouvement de résistance, Abdul Rahim al-Huwaiti, a ainsi été tué par les forces de sécurité qui ont affirmé qu’il était armé et les menaçaient.
Cette annonce est également intervenue à la fin du Pride Month, une célébration de la culture et de l’histoire LGBT promue dans de nombreux pays et que Riot Games a publiquement mise en avant et défendue. En mai on retrouvait ainsi la “Journée Internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie” ainsi que “It Gets Better Project”, une organisation à but non lucratif qui cherche à soutenir les jeunes LGBT. Des produits ont également été vendus sur le thème LGBT tout au long du mois de juin, 10% de l’argent récolté étant reversé au Trevor Project, une organisation caritative de lutte pour la prévention du suicide chez la communauté LGBT.
La controverse
Cette position publique semble donc être en totale contradiction avec le travail aux côtés de la monarchie saoudienne. Actuellement, l’Arabie saoudite continue d’emprisonner et d’exécuter des personnes engagées dans des relations homosexuelles ou en changement de sexe. Cette position radicale conduit également à une censure générale sur ces sujets dans le pays, le gouvernement bloquant les sites exprimant leur soutien aux droits LGBT et interdisant les films, la télévision et les livres contenant des représentations de relations gay et lesbiennes.
En décembre de l’année dernière, l’événement “The Nexus” proposait six concours sur trois jours avec 2 millions de dollar à remporter et se tenant à Riyad, la capitale saoudienne. Cet événement avait pour but de développer l’e-sport dans cette région où Riot dispose désormais de bureaux. Si quelques voix s’étaient élevées contre l’organisation d’un tel concours en Arabie saoudite, en rappelant notamment que l’entreprise était engagée dans un procès sur le sexisme systémique sur leur lieu de travail, l’affaire était restée plutôt calme.
Cette fois-ci cependant, l’annonce de travailler avec NEOM a été accueillie par des réactions très négatives de la part des fans ainsi que des membres du personnel du Riot. Alors que l’entreprise a été fustigée sur les réseaux sociaux pour son hypocrisie vis-à-vis d’un tel sponsor comme l’Arabie saoudite, la réaction des commentateurs a été beaucoup plus violente et inquiétante pour Riot.
This is disappointing because this is the LEC. It’s my team, my product, my managers, my office.
My family. My home.
This isn’t someone far away in HQ that I don’t know. This is devastating because I know who made these choices and I feel silenced.
— Froskurinn (@Froskurinn) July 29, 2020
Indiana “Froskurinn” Black, Trevor “Quickshot” Henry, Renato “Shakerez” Perdigão, Dan “Foxdrop” Wyatt, Christy “Ender” Frierson et Eefje “Sjokz” Depoortere, étaient certains des noms les plus importants à exprimer leur dégoût. Moins de 24 heures plus tard, Riot Games annonçait que ce partenariat était résilié via une déclaration publique.
“En tant qu’entreprise et que ligue, nous savons qu’il est important de reconnaître lorsque nous faisons des erreurs et de travailler rapidement à les corriger. Après une réflexion plus approfondie et alors que nous restons fermement attachés à tous nos joueurs et fans du monde entier, y compris ceux qui vivent en Arabie saoudite et au Moyen-Orient, le LEC a mis fin à son partenariat avec NEOM, avec effet immédiat.
Dans un effort pour étendre notre écosystème e-sport, nous sommes allés trop vite pour cimenter ce partenariat et avons provoqué des divisions dans la communauté même que nous cherchons à développer. Bien que nous ayons manqué à nos propres attentes dans ce cas, nous nous engageons à réexaminer nos structures internes pour nous assurer que cela ne se reproduise plus.”
Le timing de cette annonce
En guise de mea culpa, cette déclaration se veut rassurante mais des sources internes à Riot Games ont informé Dexerto que l’équipe de direction qui a négocié l’accord avait délibérément tenté de trouver le meilleur moment pour l’annoncer dans l’espoir d’éviter les réactions négatives et de permettre à cet accord de se maintenir.
“Il n’y a tout simplement aucune chance pour Riot Games d’affirmer qu’il ne savait pas quel serait l’impact de cet accord de sponsoring”, raconte ainsi une source interne. “Ils ont délibérément retardé l’annonce parce que certains membres de la direction se sont rendu compte qu’elle chevaucherait la Berlin Pride Week.”
La Berlin Pride Week débutait le 25 juillet avec sa parade annuelle, les bureaux européens de Riot Games étant situés à Berlin.
“Ils y ont pensé mais n’ont pas songé à consulter qui que ce soit en dehors de l’équipe de direction.”
Une autre source interne ajoute : “Ils étaient absolument conscients des implications de travailler avec l’Arabie saoudite et de la façon dont cela serait perçu par beaucoup d’entre nous dans l’entreprise. C’est pourquoi on ne nous en a pas parlé.”
Ces sources ont également confirmé que la compagnie était pieds et poings liés avec l’ensemble de leur équipe de commentateurs qui a annoncé qu’ils refuseraient de travailler sur le LEC tant que l’accord resterait en vigueur. D’autres membres du personnel en dehors de l’équipe de direction ont également fait savoir leur soutien aux casters.
“Seule la direction voulait cet accord”, explique ainsi l’une des sources, “mais quand ils ont réalisé qu’ils pouvaient avoir le sponsor mais pas le show pour l’accompagner, ils ont dû revenir sur leur décision. Beaucoup d’entre nous pensent qu’ils n’en sont pas satisfaits et que cela a créé une tension entre eux et nous qui n’est pas prête de disparaître de si tôt.”
Qu’est-ce que qui a changé ?
Après une journée où la communauté a pu célébrer leur victoire et l’annulation de ce partenariat, une autre excuse est venue sur le compte Twitter officiel du LEC de la part d’Alberto Guerrerro. Le Directeur de l’e-sport pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique a tenu à s’exprimer avec ces mots :
“Nous savons que nos récentes actions ont blessé et aliéné notre communauté, en particulier les femmes, les personnes LGBTQIA+ et nos joueurs au Moyen-Orient et nous en sommes profondément désolés. Ici au LEC, nous croyons en la possibilité d’être inclusif et en la création d’un paysage plus diversifié pour tous. Nous comprenons que certains d’entre vous ont perdu confiance en nous mais nous nous engageons à prendre des mesures pour regagner votre confiance. D’ici là, merci de rester avec nous.”
La clé pour regagner cette confiance était la promesse que la direction du LEC avait faite dans sa déclaration précédente selon laquelle “nous nous engageons à réexaminer nos structures internes pour nous assurer que cela ne se reproduise plus”. Cette déclaration suggère clairement que les membres de la direction à l’origine de cet accord et la manière dont la communication autour a été bloquée en interne, feraient l’objet d’un examen minutieux. Cependant, les sources avec lesquelles nous nous sommes entretenus ont confirmé qu’aucune mesure n’avait été prise après le retrait du partenariat.
“La direction qui a pris cette décision est totalement en sécurité dans son travail. En fait lors des discussions sur la grève, le quartier général en Amérique du Nord s’est engagé de leur côté. Ils ont peut-être annulé l’accord, mais les personnes qui l’ont négocié en premier lieu ont été assurées de n’avoir rien fait de mal si ce n’est peut-être le processus de communication.”
Nous avons alors demandé à d’autres sources proches de la situation qui ont confirmé cette version des événements et ajouté qu’il n’y avait aucune mesure disciplinaire pour qui que ce soit et qu’aucun emploi n’avait été menacé. Cela comprenait à la fois la direction à l’origine de ce partenariat ainsi que les commentateurs ayant menacé de faire grève.
“Jusqu’ici, rien n’a changé”, ont-ils résumé.
L’émission du LEC s’est déroulée comme prévu le weekend mentionnant brièvement cet incident à travers un message de Guerrerro. Jusqu’ici, on ne sait pas si cela entravera de manière permanente la poursuite des partenariats avec cette région, si NEOM pourrait être réexaminé en tant qu’accord potentiel ou s’il pourrait y avoir d’autres problèmes internes entre le personnel et la direction. Un des membres de l’équipe de production de Riot a déclaré publiquement que “probablement pas plus de huit personnes” étaient responsables de cet accord et a déclaré que c’était “assez révélateur de la façon dont ils sont déconnectés de [l’ensemble] de Riot”.
probably no more than 8 ppl at riot who have actual real power over the deal.
pretty indicative of how disconnected they are from riot
— Hideo Hikida (@hhikida) July 29, 2020
Nous avons contacté Riot Games afin d’obtenir plus de commentaires et des éclaircissements sur les actions qu’ils proposaient de prendre concernant ce problème. Un commentaire n’était pas possible au moment de la publication de cet article et nous le mettrons à jour dès que ce sera le cas.